20121208

Accusacion politica de Jan Fabre

nacionalisme

"On m'a menacé de mort 3 fois! On me harcelait physiquement et mentalement. Je ne parvenais même plus à dormir tellement les menaces étaient graves."
Le sculpteur, dessinateur, metteur en scène et chorégraphe Jan Fabre est l'Invité du samedi de LaLibre.be. A l’occasion de l’édition spéciale "Anvers" de La Libre, l’artiste anversois revient pour nous sur son œuvre, son style, les polémiques (le lancer de chats) et menaces dont il fait l’objet, ainsi que sur la montée du nationalisme en Flandre. Un entretien réalisé au cœur de ses ateliers...
On vous voit partout en ce moment : expositions, pièces de théâtre, polémique sur le lancer de chats (voir la vidéo ci-dessous) et de nombreux autres projets. On ose à peine vous demander quelle est votre actualité...


C’est vrai, que fait-on exactement pour le moment ? J’ai parfois du mal à suivre aussi... Je reviens de Paris, où se tiennent actuellement plusieurs expositions. Je suis aussi exposé à Munich, Vienne, au Musée des Beaux-Arts de Bruxelles et à Knokke avec des petits bronzes. Quant aux 2 représentations théâtrales qui tournent actuellement et qui viendront en Belgique, il y en a une de 8h "C’est du théâtre comme c’était à espérer et à prévoir" (qui date de 1982) et une de 4h30 "Le pouvoir des folies théâtrales" (1984).
Les spectateurs restent vraiment 8h dans la salle sans interruption ?
Là, je prépare une pièce de 24h. (rires) Dans le Burgtheater de Vienne, le plus grand d’Europe, on a eu 1.200 personnes en standing ovation après 8h. En Belgique aussi, les gens restent. Je dois bien avouer qu’il y a 30 ans, les gens quittaient la salle... On se retrouvait parfois avec 10 personnes. Mais plus maintenant. Ils restent et ovationnent les acteurs qui font une performance exceptionnellement intense!
La perception du public a évolué ? Les spectateurs s’adaptent à ce genre d’art ?
Non, je crois qu’en 30 ans les pièces ont pris un caractère incroyable. Elles ont évolué. Je pense aussi que la notion du temps a changé. Je n’ai pas d’ordinateur, et même pas de gsm ! Ces spectacles sont comme des saumons à contre-courant. Dans un monde où tout va vite, c’est perçu comme un soulagement. Puis, une pièce de 8h, vous la vivez totalement autrement. Le lien avec les acteurs est radicalement différent. C’est une expérience un peu radicale, mais fort intéressante.
Pour le grand public, vous êtes surtout connu pour vos œuvres avec des scarabées, comme le plafond du Palais royal. Que vous inspirent ces insectes, fort présents dans votre œuvre ?
Depuis la fin des années 70', je travaille avec des insectes. Plus jeune déjà, je creusais dans le jardin de mes parents pour trouver des vers de terre pour leur mettre des ailes de papillon. Ce qui m’intéresse, c’est la métamorphose, le changement. Et pour les classiques, les scarabées sont le symbole de ce passage de la vie à la mort, mais la mort comme état positif. Enfin, les insectes sont essentiels. L’homme ne pourrait pas survivre sans. Dans le cas du Palais royal, je n’ai gardé que les carapaces des scarabées. J’ai d’ailleurs mis 2 ans et demi ans à en rassembler 1,5 million auprès de restaurants en Malaisie, Indonésie et ex-Congo, où ils en mangent pour leurs protéines et laissent la carapace. L’objectif étant de les coller comme de la mosaïque sur le plafond, et ainsi changer les couleurs et inverser l’ordre : le vert au plafond et non plus sous nos pieds. L’œuvre complète est aussi une critique envers notre passé colonialiste.
Dans le cas de la "Pièce de viande" (soit une 'forme' représentant une pièce de viande recouverte d’insectes morts), l’œuvre a même évolué après, car des larves ont surgi au sein de l’œuvre. Ce n’était pas vraiment l’effet recherché, si ?
Pas du tout. C’est arrivé une fois au MoMa de New York et à Venise, en présence de la reine Paola et de la reine Béatrix des Pays-Bas. (rires) Ce qui serait arrivé, c’est que lors du déballage de l’œuvre, de petites mouches se sont faufilées entre les insectes et y ont pondu des œufs. Le jour de l’inauguration à Vienne, les 2 reines l’ont observée de près et ont dit "mais il y a encore de la vie dans cette œuvre !". En effet, ça grouillait et des vers en tombaient ! Ce n’était pas l’objectif. Par contre, j’étais ravi que ces œuvres sentent mauvais. Une œuvre doit pouvoir puer ! Je ne trouve rien de plus triste que d’enfermer des œuvres derrière du plexi. Il faut pouvoir sentir les insectes et le formol. Cela n’arrive pas quand des spécialistes prennent en charge votre œuvre. Puis, les insectes vivants, c’est une menace pour les autres œuvres exposées. Donc, c’était problématique...
De quelle œuvre êtes-vous le plus fier ?
...de la dernière. Comme toujours. Mais mondialement, je constate que certaines réalisations sont devenues des icônes : le château de Tivoli (voir ci-dessous) recouvert de bleu Bic, le plafond 'Heaven of Delight' au Palais royal, l’homme qui mesure les nuages et la pièce de viande.
Qui sont les principaux acquéreurs de Fabre?
Les musées et les collectionneurs... flamands et italiens surtout.
Vous vous êtes beaucoup inspiré de l’entomologiste Jean-Henri Fabre. En 2015, vous prévoyez un hommage particulier pour les 100 ans de son décès ?
Oui, j’y travaille depuis longtemps. Mais je ne vous dirai rien de plus...
Jan Fabre est réputé pour ses nombreux autoportraits. Êtes-vous un égocentrique ?
Aie aie aie ! (rires)
C’est une question, pas une constatation...
Vous posez une question que beaucoup de gens se posent. Vous savez Rubens est mondialement réputé pour son autoportrait. En tant qu’artiste, faire son portrait, c’est faire le portrait d’une autre personne. C’est un autre, le masque de soi-même. Il y a en moi des milliers de personnages. Je ne suis pas égocentrique. Je me demande souvent quel modèle je dois utiliser. Le mieux est dès lors est de prendre le mien... En se regardant soi-même, l’on voit la métamorphose d’un autre. Nos cheveux qui changent, notre peau,...
Vous faites parfois l’objet de polémiques. Vous recherchez cela ?
Jamais. Vraiment jamais. Je ne veux jamais provoquer, ce qui m’intéresse, c’est d’expérimenter des choses. Quand cela n’est pas compris, cela peut choquer certains. Mais ce n’est pas l’objectif, c’est une conséquence involontaire de mes recherches. Mais cela peut aller loin... on m'a menacé de mort à 3 reprises.


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En clair, pour vous, De Wever est d’extrême droite ?
De droite extrême en tout cas, si pas d'extrême droite, oui. Vous trouvez normal que tous mes collaborateurs aient été menacés de mort suite à cette histoire de chats qui n’ont rien eu et pour lesquels je me suis excusé plusieurs fois? C’était un hommage à Dali (NdlR: voir ci-dessous) et à l’élégance des chats.
Nous sommes en période de crise. Faut-il dès lors réduire les aides au secteur culturel ?
Non, c’est l’inverse qu’il faut faire: renforcer la culture. Une culture bien soutenue et encouragée rapporte de l’argent. Jack Lang l’a démontré en France. Il faut promouvoir la beauté et la création, sinon on tue la société. L’artiste devrait recevoir de l’argent pour rêver...


Entretien : Dorian de Meeûs & Jonas Legge

La Libre